• Après avoir retrouvé Archiloque (http://fr.wikipedia.org/wiki/Archiloque_de_Paros) bien à sa place dans un bouquin citant sa poésie, ne dit-on pas qu'il fut l'inventeur du rythme iambique, alternant temps brefs et longs, prêtant aux vers une dimension musicale qui fit de lui un grand poète lyrique, je le retrouvai hier en visitant le site de La sente de la chèvre qui bâille http://www.sente-de-la-chevre-qui-baille.net/


    coïncidence, quand tu nous tiens...


    Ce fut Tonton Dédé qui me parla d'Archiloque (VIIe siècle av JC ?); il fut d'ailleurs le seul à le faire ! Il aimait ses vers disait-il et regrettait que son oeuvre ait disparu en grande partie, et qu'il n'en restât que des bribes. Mais plus encore l'histoire de ce Grec de bonne famille devenu mercenaire, l'attirait et il appréciait aussi l'humour des remarques et des aphorismes qu'on lui prêtait et aussi sa soif d'exister et de jouir des bonnes choses de la vie.


    Cet engouement l'avait amené à utiliser le nom d'Archiloque comme métaphore pour désigner un type un peu casse-cou, d'une audace tempérée par la prudence et la circonspection. D'un homme partagé entre idéal de courage et souci de se préserver, d'un rêveur pragmatique,  il disait: "C'est un archiloque !"

    Et particulièrement si celui-ci se révélait un peu paillard et libertin.


    Tonton Dédé n'était pas mon oncle mais pour ce que j'en sais, le quatrième compagnon de ma grand-mère. Ma mère l'appelait Dédé et mon père qui portait le même prénom André mais avait toujours refusé le diminutif, le nommait par son nom de famille et celui-ci en faisait autant.


    Comme son premier homme et ses deux maris successifs, ce nouvel amoureux disposait d'une certaine fortune mais cette fois bien qu'elle fut toute petite, l'homme n'exerçait pas de profession et se disait rentier comme son père et son grand-père avant lui. Il était breton, avait beaucoup voyagé (comme tous les Bretons, remarquait-il) et il avait gardé de la "faculté" où il avait passé quelques années, le goût d'étudier.



    C'était un petit homme affable, à peine plus grand que ma grand-mère, à peine plus âgé, un peu plus de cinquante ans, très souriant, au visage rond, rose et lisse,  qui le faisait présager plus épais qu'il ne l'était car en fait, pratiquant régulièrement sports divers et gymnastique, il était mince et très en forme. Présent, dès mes 8 ans, il m"accorda le bonheur d'avoir trouvé un grand-père.


    Jamais nous n'eûmes autant de relations familiales que pendant les deux ans où il vécut avec grand-mère. Nous dînions régulièrement chez eux et vice versa. Mon père le considéra rapidement comme un ami, et ils discutaient ensemble de longues heures sur toutes sortes de thèmes.


    Son décès provoqua à plus d'un titre un drame familial. Et tout d'abord par les circonstances dont il fut entouré.


    En effet, ce fut un couple de paysans qui s'en allaient à vélo tôt le matin par une route surplombant les falaises donnant sur la mer, qui virent de loin deux hommes en burnous pousser un autre homme en tenue européenne et le précipiter sur les rochers tout en bas. Ils avertirent la gendarmerie qui se rendit immédiatement sur les lieux et trouvèrent Tonton Dédé, le crâne fracassé, le corps à demi-immergé dans la petite crique poissonneuse où il allait tous les matins pêcher dès l'aube.

    Il y eut enquête. Et l'histoire des burnous blancs asticota l'imagination des gendarmes qui trouvaient bizarre que les assassins se fussent ainsi vêtus.

    Beaucoup de gens furent ainsi interrogés et soupçonnés les uns après les autres par différentes factions, les gendarmes mais aussi les militaires et d'autres gens en civil, et le bruit courut que Tonton Dédé  n'était pas un simple rentier mais un espion à la solde d'un groupe armé ou encore de l'Etat

    Parallèlement les gens accusèrent ma grand-mère qui avait déjà deux maris disparus, de tuer tous ses bons amis et toute la famille asticotée par des rumeurs malveillantes et contradictoires l'incuta à retourner en Belgique. Ce qu'elle fit avec grand soulagement.

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  • Les morts n'ont plus rien dans la tête; leur chair est pleine d'espoirs non atteints, de fantasmes non réalisés. La mémoire que l'on a d'eux devient définitive et leur vie passée se réduit comme peau de chagrin aux seuls faits accomplis et à la trace qu'ils ont laissé. L'arrière plan que formaient leurs rêves et leurs réflexions, leurs sentiments et leurs émotions, s'est dissous pour ne laisser que de la matérialité qui elle-même n'en a plus pour longtemps.



    Quand ma mère fut écrasée par une ambulance conduite trop vite par un chauffeur ivre, mon père et moi nous sommes rendus à la morgue. C'était le lendemain, ce qui m'avait déjà semblé un abandon terrible comme de laisser un enfant pleurer seul toute une nuit.



    Son corps n'avait pas encore été préparé pour les funérailles. Elle était là, gisant sur une banquette où on venait de la déposer après l'avoir sortie de son tiroir, pull arraché, seins obscènement répandus, dents sautées, entraînées par l'appareil de contention qu'elle portait depuis peu, membres curieusement disposés comme si chacun d'eux avait été brisé  puis redisposés par ceux qui l'avaient ramassée puis menée là. Ce qui m'a soulagée et tout en même temps terrifiée, c'était qu'elle n'était déjà plus là.



    Son visage trahissait une surprise intense et une innocence totale. Elle ne l'avait pas fait exprès de traverser ainsi en dépit de ce véhicule qui se précipitait vers elle et elle n'en revenait pas d'avoir été ainsi emportée. Je l'avais toujours ressentie comme une enfant non grandie et la dernière expression que je pouvais lire encore sur sa figure me le confirmait. Et je savais désormais que son histoire était finie que plus rien ne s'y ajouterait, ni voyages, ni toilettes, ni amants, ni rires. Tout ce qui aurait pu être, n'était pas. Et ainsi qu'elle me l'avait dit elle-même peu de jours auparavant: "je me sens si peu de chose, j'ai si peu vécu, je pensais faire tant et je n'ai rien fait." J'avais alors tenté d'en rire et ainsi de la consoler en lui montrant son ineptie, tous les détails de sa vie qu'elle oubliait, tout ce qu'elle pouvait encore accomplir à 43 ans. Mais elle avait souri en hochant la tête et ne m'avait pas répondu.



    Et là, pour cette visite sans apprêt, son corps était déjà une coquille vide d'où elle avait été éjectée en un instant. Peut-être était-elle venue chercher du secours vers nous mais je ne le pensais pas ici. Durant le bref coma, alors qu'elle était ainsi pantelante sur la chaussée, et que les secours eussent pu la sauver s'ils étaient arrivés à temps, elle s'était peut-être volontairement encore éloignée de ce corps désormais trop blessé, attirée par autre chose qui venait à elle. Son corps avait peut-être tenu bon une dizaine de minutes, pas davantage, nous avait dit un médecin. Je ne pouvais m'empêcher de penser qu'elle ne l'y avait pas aidé.



    L'idée constante de la mort a de curieuses conséquences car tantôt elle vous indique combien tout est vain, tantôt au contraire, que seuls, les actes comptent tout au moins pour cette vie d'ici, telle que nous pouvons la mener et la contempler.



    J'aimerais dire à mes enfants, aimez votre vie, utilisez-là pour ressentir tout ce qui peut l'être, construisez-là pour faire tout ce qui peut être fait. Chaque vie est si courte.



    Mais je ne le fais pas ni ne leur montre l'exemple. C'est que pour les vivants, le temps s'étire et avec lui le rêve qui dispose de choix infinis et répugne à l'action qui le limite.


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  • Des gerbes de roses rouges, de ce rouge profond et sanglant, tant et tant de roses rouges déposées sur le cercueil de ma belle-mère.




    Tant de rouge ostentatoire était gênant, blessant comme une tromperie hypocrite.




    D'autant plus sanglantes, étaient ces roses.




    J'avais commandé une gerbe de fleurs blanches sans même raisonner vraiment.




    Elle arriva au dernier moment, un grand bouquet composé de plusieurs variétés de fleurs blanches qui m'ont apaisée car elles me semblaient restituer ce qu'avait été ma belle-mère au plus profond de sa chair et de son âme.




    Et j'ai pleuré de l'avoir si peu connue.


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