• malgré la présence à mes côtés de mon compagnon et de mes enfants et que j'aime et qui m'aiment  il me vient parfois la nuit, très régulièrement et depuis toujours, comme une envie d'en finir  ce ne sont pas tant les soucis quotidiens grossis et accumulés par une mauvaise gestion de l'ensemble que ce tenace sentiment de chute et aussi d'illusion et aussi de vanité   cette fatigue immense de renouveler des erreurs identiques     toute l'imperfection de l'être c'est là une force qui m'étreint depuis toujours    enfant je me visualisais, le canon de révolver sur la tempe et l'effarante course de la balle, qui, comme une bille dans un labyrinthe, bifurque au lieu d'aller droit à la sortie, empruntant maintes circonvolutions pour finalement aboutir      récemment, dans un film, j'ai vu une séquence très proche de cette impression-là, avec grand soulagement          qu'il est long le chemin vers la fin    ou encore plus souvent, avant même d'avoir entendu parler des Japonais, je me voyais le couteau pointé sur le bas ventre, me fendre de bas en haut dans un mouvement qui le ramenait au coeur    l'image suivante n'illustrait pas les entrailles qui se vidaient au sol mais comme une gerbe de mille fleurs qui s'épanouissait dans ma tête              pourtant dès le lever, je suis prise par mille choses, mille sources d'intérêt utile ou dérisoire, tant et tant, que je ne fais que butiner, qu''effleurer sans jamais approfondir        mais dans cette vie, quoiqu'il advienne, ces rêves ne se réaliseront  pas:  je ne mettrai pas ainsi fin à mes jours que ce soit par passion, horreur ou indifférence            car dans l'intimité de mes visions, je sais que rien n'échappe à l'éternité et que le piège se referme d'autant plus que l'on cherche à lui échapper <?xml:namespace prefix = o ns = "urn:schemas-microsoft-com:office:office" /><o:p> </o:p>









     






     


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    C'est en Ile de France que je découvris la riche odeur de l'humus.




    Je n'avais pas pénétré une forêt algérienne depuis l'âge de 7 ans, moment où la guerre avait vraiment commencé. Et je ne me souvenais pas d'une telle expérience olfactive.




    Elle ne me fut pas offerte immédiatement à mon arrivée en France. Mais progressivement, suggérée, d'abord par les tapis de feuilles mortes qui s'accumulèrent sur les trottoirs parisiens dès mon premier automne, formant au large des platanes et des tilleuls, des monticules précaires qui se défaisaient au moindre coup de vent. Dunes parisiennes craquelantes sous le pied qui les dispersait à peine s'étaient-elles amoncelées.




    Bien sûr, je m'étais promenée avec mes parents dans les différents parcs et squares de la capitale et de ses faubourgs, du bois de Boulogne au bois de Vincennes, en passant par les Tuileries. Puis, quelques mois après, dès qu'ils eurent de nouveau disposés d'une voiture, j'avais pu goûter une première fois à la douceur du printemps dans le parc des vaux de Cernay, la chênaie de Rambouillet, la forêt de Fontainebleau, si riche d'espèces de toutes sortes, forêts dites de haute futaie, composée de différentes strates qui font que le regard se porte vers les cîmes pour venir se reposer au sol où percent les premières fleurs.




    Il me semblait n'avoir jamais rien vu de si beau, de si enveloppant. Nid urbain ou végétal, la région parisienne se présentait ainsi pour moi.




    Et ce fut à l'automne suivant, peu après la rentrée des classes, alors que nous avions emménagé à plus de vingt km de Paris, et que je m'enfonçai, seule cette fois, dans un bois qui dévorait une colline du Hurepoix, que je fus prise par ce parfum de terre grouillante, de pourriture et de résurrection que dégageait l'épaisseur brune masquée de feuilles mortes et de débris végétaux encore frais dans laquelle mes pieds s'enfonçaient comme en un bain primordial tandis que reprenant un chemin ancien, grillagé de fins rameaux, je me frayais un passage qui ne débouchait que sur lui-même, à l'infini.







     




     


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  • deux odeurs m'attachent à la région parisienne, le parfum bien connu du métro auquel je m'étais préparée car mon père m'en avait parlé, un parfum souterrain, intime, terre et métal mêlé d'essence d'humanité suintante, du très ancien et du très neuf, du transformable à l'infini, du mobile, la rame, du statique, les gens qui s'y tiennent rangés assis, debout, bien alignés ou en désordre


    de la distance qui se décompte en stations et de la proximité jusqu'à promiscuité, inconcevable ailleurs que là, dans le wagon aux heures de pointe


     


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  • Plus j'y pense et plus je survole des récits autobiographiques et plus j'observe que j'ai retenu peu de chose du passé.
    Peut-être parce que j'étais souvent dans un certain état de rêverie, déconnectée, dirions-nous maintenant. Quand il m'arrivait soudain de prêter attention à mon environnement, je me focalisais sur un détail qui répondait à mon état d'esprit et j'effaçais le reste, et la réalité m'apparaissait souvent bien plus étrange que la fiction.
    L'Algérie a conforté cette attitude en cela qu'elle m'indiquait qu'il valait mieux regarder droit devant que sur les côtés car son peuple n'aimait pas être observé, discernait souvent à tort ou à raison, l'injure ou l'agression dans le regard de l'autre.

    Je crois avoir toujours écrit mais c'était ce que j'appelais de la fiction, du merveilleux absurde, de la comptine au non sens, de l'amusant, tout au moins pour moi.

    Quand je fouille les images, les sensations, qu'est-ce que je trouve ?
    La chaleur, le bonheur puis la terreur sous le drap blanc quand je m'amusais à m'enfoncer dessous et que je tournai jusu'à en perdre le sens de l'orientation, me trouvant la tête coincée au fond du lit, et m'agitant brutalement pour en sortir comme le ferait une noyée, la respiration coupée par la panique.
    Sous la main, une peau douce duveteuse et frissonnante qui me fait penser je ne sais pourquoi à une vieille femme esclave, c'est le baudet sur lequel on m'aide à me jucher. Je veux descendre parce que je sens que la bête ne veut pas de moi, ma mère et ma grand-mère me tiennent et me stabilisent en souriant, croyant que c'est le baudet qui me fait peur.
    Aller à l'école accompagnée par mon père quand il avait changé enfin de travail et qu'il partait plus tard qu'auparavant, c'est à dire en même temps que moi, nous passions par des rues étroites que ne prenait jamais ma mère ni personne, par prudence. Elles étaient pratiquement désertes, je veux dire qu'il n'y avait pas d'européens, juste des indigènes enturbannés qui se faufilaient sans bruit contrairement à d'habitude. Et il y avait les chats, une bande de chats qui nous suivait en file, et les vieux en djellabah s'arrêtaient parfois quelques secondes pour regarder, et cela les faisait sourire avec hésitation. Tout le monde savait que les chats suivraient mon père pendant une dizaine de minutes, sur quelques tronçons de rues, pas un ne comprenait pourquoi et c'était pour cette raison qu'il ne pouvait rien arriver. Mon père appelait ces chats, ses gardiens. Il racontait que c'était un chat qui l'avait sauvé une fois en Allemagne:
    Après des mois de camp, il s'était évadé avec d'autres, ils s'étaient tous dispersés dans la nature, chacun tentant sa chance. Lui, s'était profondément blessé à la jambe en passant les barbelés, pendant des jours, il s'était traîné dans les champs en se cachant, souffrant et affamé. A la fin, il ne pouvait pratiquement plus avancer, sa jambe était devenue noire et toute gonflée. Il s'était alors retiré dans les buissons pour y mourir. C'est un chat qui l'avait trouvé et réveillé en faisant ses griffes sur lui.


      


    En le voyant si joli, bien nourri et sentant bon, mon père avait compris qu'il était à des gens qui s'en occupaient bien et, rassemblant ses dernières forces, avait rampé au hasard pour tenter de parvenir jusqu'à eux. Le chat le suivait, étonné, miaulant de temps en temps. De nouveau, mon père perdit connaissance. Mais quand il reprit ses esprits, une jeune fille le secouait, la maîtresse du chat qui était venue le chercher comme il ne rentrait pas. Cette Allemande et son père soignèrent et abritèrent mon père plus de quatre mois, dans leur ferme, jusqu'à ce que pour leur sécurité, il repartit, se faisant de nouveau arrêter et envoyer en camp...
    Tout le long de cette dernière année d'enfermement et de torture morale et physique qui suivirent, sa jambe le fit souffrir, plusieurs fois infectée, elle faillit être coupée mais il la garda finalement jusqu'au bout.
    C'est ainsi que je connus toujours mon père avec une jambe malade d'un ulcer compliqué d'un psoriasis, une grande tache qui virait du violet à un noir maléfique sur tout le dessus de la jambe droite.
    Il prenait chaque jour des médicaments pour soulager la douleur et y appliquait une pommade dans les périodes de crise. Il arrivait parfois que ma mère ou moi nous dépêchions d'urgence à la pharmacie pour aller en chercher car brusquement, son état l'engageait à en mettre davantage au mépris de toute recommandation médicale et il avait tout utilisé d'un coup.


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