• Mes arrière grands-parents ne se considéraient ni comme Italiens, ni comme Siciliens /puisque l'île où ils étaient nés, était plus sicilienne qu'italienne/ car comme leurs ascendants, ils se disaient déportés politiques, ce qui, pour eux, semblait gommer toute nationalité.


    Leurs parents, seconde génération issue de la déportation avaient vécu dans l'isolement, ne voulant pas se confondre à la population de l'île mais ne cherchant pas non plus à retourner en cette Italie qui les avait rejetés. Ils s'étaient raccrochés à ce statut de déportés politiques qui était devenu la clef de leur identité et se mariaient entre eux. Mes arrière-grands-parents, étaient cousins.


    Lorsqu'en 1932, ma grand-mère et l'une de ses soeurs, leurs filles donc, vinrent à visiter cette île, elles ne la trouvèrent pas si terrible qu'on la leur avait décrite mais belle dans sa sauvagerie.


    En tout cas, certainement plus grande, 83km2 et possédant davantage de ressources (dont les câpres et du bon vin) qu'elles ne se l'étaient figuré, bien qu'elles convinrent qu'il y avait vraiment beaucoup de vent. Pour cette raison, les jardins étaient enfermés derrière de hauts murs, ce qui était une particularité locale qu'elles apprécièrent.



    Le nom de l'île, née d'un volcan, exprime cette caractéristique. Pantelleria, de l'arabe «bent el Rion », fille du vent.











     


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    A Alger, nous habitions un appartement situé au troisième étage sur une façade et au second sur l'autre car le quartier était en pente. L'immeuble était coiffé d'une grande terrasse où des fils de fer étaient tendus pour permettre l'étendage du linge ; chaque logement avait le sien d'une longueur d'environ 8/10 mètres, supporté à chaque bout par un crochet, l'un à un mur qui abritait le lavoir dans une petite pièce carrée couverte d'un toit de tuiles surplombant la terrasse et l'autre, au mur aveugle opposé qui était celui de l'immeuble mitoyen, légèrement plus élevé.  Entre les deux extrémités, des piquets plantés à intervalle régulier, à même le sol cimenté, soutenaient les fils pour plus de solidité. Cet étendage qui partait en faisceau triangulaire, son sommet étant la buanderie qui formait une avancée, ne couvrait pas toute la surface qui était équivalente à deux appartements, soit un peu moins de 200m2.




    Le bâtiment comptait six foyers, trois familles arabes, deux familles françaises dont nous, et un couple de juifs d'un certain âge, sans enfant, qui n'utilisait jamais la terrasse, ayant installé une  pièce à cet effet à l'intérieur de leur appartement. Chacune des cinq familles avait normalement, son jour de terrasse attitré et, ainsi pouvait emprunter les fils des autres et aussi s'adonner à d'autres activités comme le farniente sur chaise longue ou le bain dans les grandes cuves du lavoir de la buanderie. Mais bien sûr, dans les faits, tout se passait autrement. Les femmes arabes, avaient l'habitude de laver et étendre leur linge ensemble, elles utilisaient donc collectivement l'espace durant les trois jours qui leur étaient réservés auxquels s'ajoutaient le samedi et le dimanche, jours libres. En contrepartie de cette tolérance du week-end, les deux françaises exigeaient l'exclusivité des lieux, le mardi, pour ma mère et le vendredi pour l'autre dame. Du fait des difficultés à gérer l'ensemble, ma mère qui représentait sa tante, propriétaire des lieux, décida de retirer toutes les clefs qui ouvraient la porte de la terrasse sauf une que l'on se passerait de voisine à voisine.





    Je peux dire que tant que je ne fus pas scolarisée et je le fus tardivement, à 7 ans bien sonnés, le mardi sur la terrasse fut pour moi, une fête. J'y jouais en solitaire, à un tas de jeux de plein air, balle, marelle, et aussi à des jeux d'eau pour lesquels j'utilisais diverses bassines. Ceci, jusqu'à ce que je m'aperçoive de la possibilité d'installer une balançoire entre deux des hautes cheminées dressées sur la terrasse.  Bien entendu, je demandai d'abord l'autorisation qui me fut accordée après examen du projet mais devant les difficultés que ma mère eût à y accrocher la corde, mon père fut appelé à la rescousse.  Après s'être assuré de la solidité des points d'attache, il m'installa donc une vraie escarpolette dotée d'un petit siège en bois sur laquelle, je me balançai des heures durant. Maline, je demandai à nos voisines arabes, si je pouvais venir un peu jouer quand elles étaient là haut. Ce qu'elles acceptèrent en souriant. Sur la terrasse, pourtant, aucun de leurs enfants n'était présent quel que fut l'âge ou le sexe. Le lieu paraissait être réservé aux seules femmes adultes qui ne pouponnaient pas ou bien laissaient elles leurs nourrissons aux vieilles grand-mères qui peuplaient leurs appartements. L'ambiance me paraissait pareille à celle du hammam car elles bavardaient, chahutaient beaucoup tout en lavant leur linge, se baignant parfois dans les grandes lessiveuses en zinc qu'elles traînaient en plein milieu quand il faisait beau ; mais alors elles étendaient des draps tout autour d'elles avec beaucoup de rires pour faire semblant de ne pas vouloir être vues.





    Toujours est-il que je pus faire de la balançoire quotidiennement sauf le vendredi qui était le jour de notre voisine française, à qui je n'osai pas le demander bien que ma mère et elle se fussent liées d'amitié.





     Néanmoins, je ne tardai pas à fuir les après-midi trop bruyants pour mon goût et à accaparer les matinées parce qu'elles étaient particulièrement silencieuses et tranquilles. Le matin, sauf linge sec à retirer mais c'était là une chose vite faite, toutes les femmes s'affairaient à leur ménage, à leur cuisine, aux soins des enfants, personne ne venait me déranger.





    Je pris donc l'habitude de monter souvent, dès 8heures du matin pour descendre à midi quand la cloche sonnait au lointain.





    Un jour que l'automne arrivait et que je commençais doucement à me balancer dans le vent puis de plus en plus vite tout en me demandant si je n'allais pas descendre me chercher un gilet car je commençais à frissonner, alors que mon escarpolette se prenait dans la course, je sentis brutalement l'une des cheminées vibrer et, bien que j'en eus le réflexe immédiat, je ne pus stopper l'élan comme je l'aurais voulu. Et dans ce ralenti fantastique que permet l'effet de choc, la cheminée de droite, haute d'environ deux mètres cinquante, tomba sur moi comme un arbre scié à sa base.  Je dus à quelques briques qui s'étaient détachées et avaient formé les bases d'un pont, le fait de ne pas être écrasée mais je demeurai coincée sous le corps même de la cheminée qui était bien trop lourde pour que je puisse la repousser, même un peu. L'un de mes bras était, en outre, pris comme dans un mur et me brûlait terriblement. Le pis était, qu'à l'étage juste en dessous, nos voisins juifs étaient absents et ma mère, sortie faire une course. Quant aux autres, ils dirent ensuite avoir entendu du bruit mais ne pas l'avoir identifié. J'appelais sans succès, ma voix étant trop faible du fait de ma position et je dus attendre midi que ma mère, s'inquiétant de ne pas me voir, montât me secourir. Encore fallut-il faire venir plusieurs hommes pour soulever et déplacer la cheminée et me délivrer enfin. Je m'en tirai avec plus de peur que de mal, sans une seule fracture mais de nombreuses coupures et hématomes, et surtout, toute la peau de l'avant-bras gauche, arrachée. J'avais tendu le bras pour me protéger, dans un mouvement tournant qui faisait que, curieusement, j'étais plus abîmée sur le côté gauche que le droit. Un  maçon qui devait venir un peu plus tard restaurer la balustrade de pierre de l'un des balcons, me dit que je lui avais probablement évité l'accident car il était d'usage que les ouvriers s'amarrent à ces cheminées pour les travaux de façade.

    <?xml:namespace prefix = o ns = "urn:schemas-microsoft-com:office:office" /><o:p> </o:p>

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    Dans son « Catalogue des jouets », Sandra Petrignani indique au lecteur que les textes ont été publiés dans l'ordre dans lequel ils ont été écrits.


    « Les récits ont été écrits directement dans cette logique. Cela signifie que chaque récit se souvient de celui qui précède... J'ai cru bon privilégier une logique de composition plutôt qu'une logique d'organisation. »



    Cette logique de composition suit tout simplement l'ordre alphabétique des mots italiens désignant ces jouets. La traduction n'entraînera pas que l'ordre des rubriques soit modifié.



    Sans préciser vraiment l'âge concerné par chacun des jeux, l'auteure semble traiter l'expérience individuelle comme si elle était collective.

    <?xml:namespace prefix = o ns = "urn:schemas-microsoft-com:office:office" /><o:p> </o:p><o:p> </o:p> voici la liste des jouets telle que l'a conçue SP:<o:p> </o:p>1.      altalena                  balançoire 

    2.      aquilone                 cerf volant


    3.      armi                       armes


    4.      automobiline          petites voitures


    5.      bambola                poupée


    6.      bambola Lenci       poupée Lenci


    7.      bambolotto            baigneur*


    8.      barbie                    barbie


    9.      bicicletta                bicyclette


    10.  bigliardino  baby-foot


    11.  biglie                     billes


    12.  berilli                     quilles


    13.  bolle di sapone      bulles de savon


    14.  casa di bambola     maison de poupée


    15.  cavallo a dondolo  cheval à bascule


    16.  cerbottana             sarbacane


    17.  chiodi                    clous


    18.  construzioni           jeux de construction


    19.  cubi                       cubes


    20.  cucu                      coucou


    21.  ercolino siempre in piedi                ercolino toujours debout


    22.  fionda                    fronde


    23.  figurine                  image


    24.  fishietto                  sifflet


    25.  flipper                    flipper


    26.  fortino                   fortin


    27.  frecette                  fléchettes


    28.  girandola               petit moulin


    29.  guadaroba di carta garde-robe en papier


    30.  lavagna nera, lavagna magica         tableau noir, tableau magique


    31.  lego                       lego


    32.  machina a pedali    voiture à pédales


    33.  macinino                moulin à café


    34.  marionette             marionnettes


    35.  matrioska              matriochka


    36.  monopattino          trottinette


    37.  orsachiotto ours en peluche


    38.  palla                      balle


    39.  palloncino              ballon de baudruche


    40.  pallottoliere            boulier


    41.  palombaro             scaphandrier


    42.  pattini                    patins à roulettes


    43.  pentoline                batterie de cuisine


    44.  piano                     piano


    45.  piccolo chimico      le petit chimiste


    46.  pistola ad acqua     pistolet à eau


    47.  pongo                    pâte à modeler


    48.  scubidu et hula-hoop         scoubidou et hula-hoop


    49.  sechiello                seau de plage


    50.  shangai                  mikado


    51.  snodati                  animaux désarticulés


    52.  soldatini                 petits soldats


    53.  tamburelli               tambourins


    54.  tappi                      capsules


    55.  timbri                     tampons


    56.  trenino elletrico      train électrique


    57.  trottola                  toupie


    58.  view master           view master


    59.  volano                   volant


    60.  zoo                        zoo


     


    A partir de cette liste, je m'amuserai à éveiller mes souvenirs comme je l'ai déjà fait pour le yo-yo


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  • Ce fut mon père, nous accompagnant pourtant rarement dans les grands magasins, qui aperçut l'article en rayon, le prit en main pour le soupeser, et vérifier son équilibre ainsi que la qualité de la cordelette mais sans la défaire car elle était retenue par un genre d'agrafe métallique. A retardement, il fit : « tiens, un yoyo ! », l'acheta et me le donna.



     



    A la maison, il m'apprit comment le manipuler, il le fit parfaitement fonctionner à grands mouvements lents puis me le passa. Après un faux geste qui le précipita à terre, je pris rapidement le coup ; pour bien amorcer le mouvement, il y a une petite secousse ferme à donner en remontant du triple de la hauteur dont on l'a descendu, ensuite le va-et-vient de la main doit être assez ample et bien régulier si l'on veut tenir longtemps.



     L'important est aussi l'enroulement régulier de la ficelle autour de son axe qui doit s'exécuter avec toute l'attention requise.

    Ma mère aussi essaya et le maintint un moment à faire le ludion puis me le rendit. Manifestement, l'objet ne l'intéressait pas vraiment.



    Je crois que je n'ai plus jamais eu de yo-yo qui marchait si bien. Il était en bois lisse et veiné, austère, doux et tiède au toucher avec des bords très arrondis, et tenait parfaitement dans le creux de ma main.



     



    J'ai beaucoup joué avec ce yoyo et l'ai conservé deux ou trois ans jusqu'à ce qu'une fillette venue à la maison en visite avec sa mère, me le subtilise ainsi que d'autres petits jouets. L'enfant était handicapée et profondément bouleversée par son état. Sa mère qui savait que sa fille commettait de petits larcins, demandait toujours au parents s'ils avaient remarqué la disparition d'un objet quelconque ; elle leur demandait de les excuser si c'était le cas, proposait de les rendre si elle les trouvait (ce qui n'arrivait jamais) et aussi de dédommager ses hôtes de la perte.




    Je me souviens de son visage amaigri qui devenait encore plus tourmenté quand elle prononçait ces paroles en essayant d'adopter un ton paisible. Bien entendu, personne ne signalait jamais rien. D'autant plus qu'il s'agissait de choses dérisoires pour la plupart du temps, sauf une fois, mais ceci est une autre histoire.


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    emprunté le livre Le catalogue des jouets de l'italienne Sandra Petrignani née en 1953 où je retrouve une liste de jouets qui me parle tant que je pourrais faire mon propre commentaire sur chacun d'eux



    récits où l'on peut relever ce qui est ressenti pareil parce que dépendant de nos sens à nous autres humains mais aussi le parfum et la gamme émotionnelle d'une époque liée à sa technologie, les années 60/70 et ici, la culture latine et puis, malgré tout, les différences innombrables qui tiennent de la région où l'on habite, de l'environnement social et familial et, surtout, du caractère et du comportement de chacun



    le bouquin est cependant un peu trop besogneux, un soupçon forcé; l'impression que l'auteur persiste parce qu'elle pense avoir eu une bonne idée de thème, ce qui demeure exact, mais que finalement, l'énumération lui est pénible, on sent qu'elle en a assez, que cela ne l'intéresse pas suffisamment, voire qu'elle n'a rien à dire de tout cela, ce qui rend le livre un peu fastidieux malgré la bonne volonté nécessaire qui est mise en oeuvre



    il reste que d'un point de vue sociologique et peut-être même ethnographique, il est intéressant à consulter et parfois magnifique pour la précision de ses descriptions



    voici le chapitre du Yo-yo



    Aux environs de 1930, un jouet ressuscita. Il prit le nom frivole de yo-yo et entra parmi les classiques. Les enfants de la Grèce antique y avaient joué. Pendant la Révolution française, les adultes y jouaient continuellement. Mais à l'époque, on l'appelait émigrette, peut-être à cause de son instabilité, de sa nostalgie du sud quand il était au nord, et vice-versa. Le hey de Coblence ou Coblenz ou l'émigrant. Deux disques de bois soudés au centre et divisés par une profonde rainure. Autour de l'axe qui les unit, on enroule et déroule une cordelette faite de minuscules fils tressés. La main lance le disque tout en maintenant la ficelle entre les doigts. Parvenu au bout de sa course vers le bas, mais retenu par l'attache, le disque revient spontanément en arrière, tend à remonter le long de la ficelle. si la main le guide avec le bon rythme, il continue à monter et redescentre, lentement ou rapidement selon ce que l'on préfère. C'est une question d'harmonie, un don inné pour la musique, une sorte de danse. On n'apprend pas à jouer au yo-yo. On est bon tout de suite, ou jamais; après, on peut seulement se perfectionner dans des acrobaties ultérieures. C'est ainsi que celui qui joue, joue, et que les autres restent là à le regarder.


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