• les petits boulots

    en ce mois d'août  69, alors que je gardai l'appartement de mes parents, je dépensai en trois jours l'argent qu'ils m'avaient donné pour un mois et, voyant que je n'avais pas suffisamment de boîtes de ronron d'avance, je cherchai du travail dare-dare.

    Les gens de Manpower me firent de grands sourires en me voyant entrer et j'ai su tout de suite qu'ils allaient me proposer une mission ingrate. Quand ils me dirent de quoi il s'agissait, je leur demandai un supplément de salaire horaire et des primes de risque etc  Contre toute attente, ils se montrèrent généreux mais me demandèrent de rester discrète. Le boulot était pratiquement top secret.



    Une fois le contrat négocié et signé, ils m'indiquèrent sur un plan, où se trouvait l'entreprise et me prièrent de leur téléphoner le moins possible, attendu qu'ils ne pourraient probablement pas m'aider. D'ailleurs, le mieux était que je ne parle de rien à personne comme l'avait demandé l'usine.

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    Intriguée, je me présentai donc au bout de la ville de Grenoble, à la porte de ce que manpower avait désigné comme la conciergerie arrière, d'une grosse usine de produits chimiques qui étalaient nombre de bâtiments industriels sur pas mal d'hectares de terrain. La gardienne des lieux avait la cinquantaine grande et forte, pleine d'autorité tranquille.



    Elle me regarda des pieds à la tête et me demanda si l'on m'avait expliqué de quoi il retournait. Je résumais que l'on m'avait dit qu'il fallait faire l'état des lieux de dortoirs où logeaient des ouvriers yougoslaves et commencer à les rendre de nouveau habitables. J'ajoutai qu'il était entendu qu'une autre femme m'aiderait dans cette tâche car je n'avais pas l'habitude de faire des ménages et qu'il me serait possible de demander un homme à tout faire pour les petites réparations dont je devais faire la liste, j'étais davantage là pour juger des mesures nécessaires, d'après ce que l'on m'avait dit. Après un blanc, la gardienne ne se tint plus de rire, puis ayant repris son calme, elle répliqua que c'était exactement ça et qu'elle allait me montrer immédiatement les lieux. Ensuite, elle m'offrirait le café.



    Nous nous éloignâmes de sa petite maison entourée d'un jardin clos. Elle m'indiqua qu'elle en avait fait un potager et un verger car les fleurs ne se mangeaient pas si bien et que le soir-même, elle me donnerait des reine-claude car elle en avait trop. Après avoir traversé un grand espace au sol cimenté, nous atteignîmes une rangée d'immeubles mitoyens, d'un blanc sale aux petites fenêtres carrées. A une dizaine de mètres, à droite, un amoncellement d'ordures débordait d'une huitaine de grandes poubelles agglutinées de manière inextricable. Mme E les désigna en remarquant que les éboueurs refusaient maintenant de s'en occuper, estimant qu'ils n'avaient pas à déblayer les déchets autour des containers pour y accéder. Elle ajouta que ces immondices mais aussi ce qu'il y avait là-bas (elle m'indiqua les bâtiments du menton) avaient attiré pas mal de rats et que cela commençait à l'inquiéter. C'était d'ailleurs, pour cette raison que la direction s'était adressée à Manpower.



    Au lieu d'entrer par les portes d'entrée vitrées de devant, elle m'invita à contourner les immeubles pour y pénétrer par l'une des petites portes arrières qui donnait sur un couloir transversal où après avoir de nouveau franchi une porte, je me retrouvai dans une sorte de grande cuisine-salle à manger collective. Tout au long des murs courait une paillasse, ponctuée d'éviers et de réchauds à gaz. A l'intérieur de la pièce, se pressaient tables et chaises. Je ne vis pas d'abord tout cela mais l'épaisse couche de nourriture avariée, de conserves ouvertes, épluchures, bouteilles et cannettes, casseroles et vaisselles sales et cassées qui jonchaient le sol, les tables, les plans de travail pour former une couche de détritus épaisse de plusieurs centimètres dans lesquels couraient des rats et des cafards et blattes de toutes sortes qui ne se cachaient même plus. La scène était si impressionnante que j'ai toujours regretté de n'avoir pas pu la photographier.

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